Nous dénonçons depuis longtemps la persistance des devoirs à la maison, dont personne n'a jamais prouvé l'utilité et qui ne font qu’accentuer les inégalités entre les enfants selon qu’ils peuvent ou non bénéficier d’aide à la maison. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils sont proscrits en primaire par une circulaire de 1956. De deux choses l’une : soit les élèves ont compris la leçon et réussi les exercices en classe, et on leur fait perdre leur temps, en les empêchant de lire par exemple. Soit ce n’est pas le cas et ce n’est pas à la maison, hors de la présence de l’enseignant, qu’ils pourront y arriver mieux !

Nous rejetons cette forme de « sous-traitance pédagogique » aux familles, qui, en outre, est cause de conflits quasi quotidiens entre parents et enfants. Le rôle des parents dans la coéducation n’est pas de chercher à reproduire (mal) ce que font les enseignants.

La sempiternelle réponse que l’on nous fait, c’est que ce sont les parents qui réclament des devoirs. Mais nous faisons le pari qu’ils n’en demandent que parce que c’est souvent le seul lien qu’on leur propose avec ce qui se passe en classe. Si on leur propose d’autres modalités de communication avec les enseignants, d’autres façons d’accompagner la scolarité de leurs enfants, ils les adopteront bien vite !

Il faut que les enfants montrent à la maison ce qu’ils ont fait en classe, pas qu’ils montrent en classe ce qu’ils ont fait à la maison.

C’est pourquoi nous commençons la transformation pédagogique de l’Ecole en mettant en place ce site afin que chaque parents et/ou enseignants qui combattent les devoirs à maison ou qui y ont mis un terme, puissent raconter leur histoire.

De plus, à partir du 26 mars une "quinzaine sans devoirs" débutera. Nous invitons tous les acteurs de l'éducation (parents, enseignants, directeurs d'écoles, accompagnateurs…) à mettre en pratique la fin des devoirs à la maison ! Nous les invitons à se rencontrer, à réfléchir et à imaginer d'autres relations familles/Ecole et d'autres moyens de communication que les devoirs et les notes, comme le font déjà bien des enseignants.

Cliquez ici pour poster vos témoignages et ceux de vos enfants sur ce que nous appelons la sous-traitance pédagogique aux familles. Venez y raconter les soirées et week-ends sans devoirs à la maison, le résultat des alternatives testées avec les enseignants... Venez dire si les enfants sont plus bêtes ou plus anxieux sans devoirs à la maison!


Regardez ce qu'en disent les chercheurs | Tribunes Libres

vendredi 6 avril 2012

AFEV : "La question des devoirs, le regard d'un acteur engagé auprès des familles des quartiers populaires"

L’Afev s’inscrit pleinement dans la campagne « ce soir pas de devoir » initiée par la FCPE, car cette initiative fait pleinement écho à notre pratique de terrain, auprès des enfants et des familles de quartiers populaires, et aux problèmes posés par la séance de devoirs à la maison. 

Notre regard sur les devoirs n’est pas celui de spécialistes (pédagogue, psychologue, sociologue) mais celui d’acteurs de terrain. 


Depuis 20 ans, l’Afev organise un accompagnement individuel d’enfant et de jeune en difficulté dans leur parcours éducatif. Cet accompagnement se déroule à leur domicile à raison de deux heures par semaine. 7 000 enfants et jeunes bénéficient cette année de cet accompagnement. Cette expérience de terrain se double de données issues d’études réalisées auprès de ces jeunes et de leurs familles, dans le cadre de nos Journées du Refus de l’Échec Scolaire. 

La question des devoirs constitue pour beaucoup d’enfants une vraie angoisse pour eux et une vraie crispation au sein de leur famille. Elle canalise et renforce la pression scolaire. Souvent ces « séances de travail à la maison » se finissent mal, dans les cris et l’incompréhension, n’apportant pas à l’enfant le surplus de confiance ou de compréhension, mais ayant l’effet inverse le plaçant dans une situation de stress et de peur du lendemain, et l’intériorisation du fait qu’ils ne réussiront jamais. Pour ceux qui ont plus de facilité, les devoirs sont une simple formalité vite effectuée et dont l’apport n’est pas évident pour des non spécialistes. 

Pour les familles, et les chiffres de notre enquête sont de ce point de vue-là très éclairant : le moment des devoirs à la maison est ressenti comme un moment difficile pour 59% des familles. 52,6% d’entre elles n’arrivent pas à aider leur enfant lorsqu’il fait ses devoirs. Pour 30,2% de ces familles, c’est parce qu’elles ne comprennent pas les devoirs de leur enfant ou qu’elles ont peur de se tromper(1).

Les familles sont donc partagées entre la sur-importance qu’elles confèrent aux devoirs et le sentiment qu’elles ne sont ni légitimes ni outillées pour apporter l’aide dont leur enfant aurait besoin. La situation individuelle de chaque famille, et notamment la question des familles monoparentales, l’horaire auquel généralement sont effectués ces devoirs après une dure journée de travail pour les enfants et les parents aggrave encore les possibilités de crispation et de blocage. 

Pour ce qui est de l’action des étudiants de l’Afev, nous avons progressivement fait évoluer leur contenu. Au départ intitulé « soutien scolaire » puis « accompagnement scolaire » et maintenant « accompagnement individualisé », cette évolution tendant à s’écarter des questions purement disciplinaire, a été accélérée suite à une évaluation externe menée par le Cabinet Trajectoire-Teflex(2)

L’apport le plus marquant de l’action des étudiants ne se situe pas prioritairement autour du travail scolaire mais bien autour de leur capacité à donner confiance, méthode, et appétence vis-à-vis des questions d’apprentissages. Cette action d’accompagnement individualisé, non centrée sur les devoirs et le scolaire pur (même si forcement ces questions sont abordées, étant donné que l’étudiant se met à disposition de l’enfant et de ses besoins spécifiques) est plébiscitée par les enseignants qui constatent à plus de 70 % qu’elle a un effet visible sur l’élève en terme de comportement en classe : participation, intérêt, mobilisation,…et facilite grandement les apprentissages scolaires en classe. 

Cette action est aussi très valorisée par les parents eux-mêmes qui pensent, et ce pour 74 % d’entre eux, que l’accompagnement de leur enfant est très utile. 

La question des devoirs, comme celle de la notation à l’école élémentaire, nous semblent deux archaïsmes et particularismes de notre système scolaire, alors même que leurs effets positifs sont mal évalués et leur impacts négatifs avérés pour de nombreux élèves notamment les plus fragiles. Ce qui nous intéresse c’est moins leur suppression pure et simple que l’effort d’invention d’autres modes de fonctionnement plus efficaces. De ce point de vue-là, l’étude d’autres systèmes scolaires, notamment les plus performants, nous semble un passage indispensable.

---
1 - Etude menée par Trajectoires-Réflex sur 600 familles accompagnées par l’Afev, en septembre 2011 « Familles de quartiers populaires et école : sous le respect de l’institution, l’inquiétude des parents », 
2 - http://www.afev.fr/pdf/afev-evaluation.pdf